BFM TV, une chaine à l'économie
Réduire les coûts, Alain Weill en a fait sa
spécialité. Avec débrouillardise, le propriétaire de RMC lance sa
chaîne d’information économique sur la TNT.
Calme, serein, Olivier Beneuf dissimule sa
fierté. Un mois à peine avant le lancement de la chaîne économique BFM
TV sur le numérique terrestre (TNT), le directeur technique du groupe
Next-radio, propriétaire de BFM et de RMC, a concentré dans un minimum
d’espace des trésors d’astuce et de technologie. Au rez-de-jardin du
siège d’Issy-les-Moulineaux, cette pièce ronde de 135 mètres carrés,
peinte en vert gazon du sol au plafond, forme le studio de la chaîne
qui émettra mi- novembre. Le seul. « Pour créer une variété de décors,
nous projetterons à 360 degrés, sur ce fond, des murs d’images mouvants
permettant les mouvements de caméra et les zooms », explique Olivier
Beneuf. A la régie, unique elle aussi, une manette type joystick
permettra à un spécialiste de bouger les caméras du studio sans
l’intervention d’un cadreur. Au septième étage, disposés sur 550 mètres
carrés, avec vue sur le périphérique, 60 journalistes pilotés par
Guillaume Dubois, aidé d’Olivier Mazerolle et de Ruth Elkrief,
passeront à l’antenne parfois sans bouger de leur bureau grâce à une
caméra fixe.
Le budget annuel de la chaîne d’information atteindra
13 millions d’euros la première année, 20 millions à terme. A titre de
comparaison, LCI tourne avec 50 millions d’euros. Cotée à Paris depuis
le 6 octobre, Nextradio a promis à des analystes financiers encore
sceptiques l’équilibre d’exploitation dans cinq ans, avec moins de 1 %
d’audience, et des pertes cumulées de 20 à 25 millions d’euros.
Au
même étage que la rédaction de sa télévision, Alain Weill, le PDG et
premier actionnaire du groupe qu’il a fondé en 2000, ne se départ pas
d’un optimisme qui lui a jusqu’ici plutôt porté chance. L’ancien
directeur général de NRJ en est convaincu : il rejoue là le boom de la
FM, la révolution qui avait permis à Jean-Paul Baudecroux, le créateur
du groupe NRJ, de bâtir tout son empire. « Trois Français sur quatre ne
reçoivent que cinq chaînes, ce qui fait de la France un des pays les
plus pauvres en offre télévisuelle parmi les nations développées »,
explique-t-il. Plus que le succès des décodeurs TNT auprès du public,
Alain Weill mise sur les 4,5 millions de téléviseurs vendus chaque
année avec un décodeur intégré, donnant directement accès à dix-sept
chaînes gratuites.
Modèle américain
L’homme peaufine sa
méthode depuis qu’il a décidé de se lancer seul dans la reprise de RMC.
La candidature de NRJ est alors bloquée par l’adoption de la loi sur le
seuil maximal d’habitants couverts. En partie grâce à ses stock-options
de NRJ, il dispose de 35 millions d’euros et trouve auprès du fonds
Alpha les 65 millions restants. Alain Weill a observé le marché
américain, où les radios généralistes se segmentent en économistes, all
news , sport, talk, et se contentent de faibles budgets en faisant
intervenir leurs auditeurs à l’antenne. RMC, qui engloutit 12 millions
d’euros de pertes l’année de sa reprise, est repositionnée sur un
format « news, talk et sport » . A l’antenne, une star anchorman
(présentateur), comme disent les Américains, souvent embauchée après
une traversée du désert, deux ou trois petites mains pour gérer les
invités ou les appels et… deux heures de micro en liberté.
« Il y
a les stars rémunérées au prix du marché et la majorité des
journalistes animateurs payés au minimum », râle un représentant du
personnel, qui apprécie tout de même les efforts de fidélisation
récents de la maison. Alain Weill desserre l’étau. Il en a les moyens.
Sous sa houlette, l’audience de RMC a plus que doublé. Sur le plan
commercial, les centrales d’achats d’espace ont trouvé avec Nextradio
un lièvre idéal, prêt à négocier pour gagner des parts de marché sur
Europe 1 ou RTL. RMC Info est rentable depuis 2003, BFM, passée de 120
à 47 salariés au moment de sa reprise, l’est aussi depuis 2004. Chez
Nextradio, l’économie est plus qu’un sujet, c’est un art.
source : http://lemagchallenges.nouvelobs.com